Deux mois déjà ! Après le premier article qui annonçait l’ouverture du site et le début de la résidence d’auteur associé à la Cité Radieuse de Briey-en-Forêt, il est plus que temps de raconter un peu ce qui s’y déroule… Ce sera l’occasion de quelques courtes notes durant les prochains jours.
Pour commencer : cette résidence, elle se fait avec qui ?
Comme je l’annonçais dans le premier billet, c’est à l’initiative de Romain Zattarin, responsable de projets à la mairie de Val-de-Briey, que cette résidence est née, et ce fut un plaisir de pouvoir le retrouver, cette fois-ci en compagnie de son équipe : Séverine Pinna, responsable de la communication de la commune, Cathy Fischer, community manager, et Melissa Succurro, graphiste. Leurs bureaux se trouvent au pied du beffroi de la ville, classé monument historique, dans le bâtiment récemment rénové avec soin nommé « La Maison des mille marches », ancienne boulangerie qui accueille également au rez-de-chaussée un FabLab dirigé par Cyril Martin, également webmaster de la commune.
Cette réunion de lancement s’est faite en compagnie de Catherine Valès, adjointe à la culture de la ville, de Christine Meggia, bibliothécaire en chef, et de Véronique Léonard, âme vivante de l’association La Première Rue chargée de valoriser le patrimoine de la Cité Radieuse et… mon hôte attentionnée chez « Corbu » !
En raison des contraintes sanitaires, beaucoup de rencontres prévues avec le public ont dû être suspendues, notamment à la bibliothèque, à la Cité ou à la Maison des mille marches. Nous avons en revanche pu lancer les ateliers d’écriture, en commençant par le lycée Louis Bertrand : sous l’égide de leur professeures-documentalistes Laurence Henry et Oriane Cortese-Marcandella, et avec la complicité active de leur professeure de français Maud Bondoni, les 35 élèves de la seconde A ont répondu présent au CDI pour mettre en scène chaque semaine avec créativité des futurs singuliers.
Dès cette semaine, nous entamons un nouvel atelier avec les élèves de l’EREA, grâce à l’invitation du directeur des travaux Olivier Tellier et avec l’implication précieuse de leur professeur de français et géographie Wilfried Grare. Après les vacances de printemps, ce sera le tour des jeunes pris en charge par le service de protection judiciaire de la jeunesse…
La vie à la Cité me fait côtoyer de nombreux habitants, parmi lesquels les deux voisins de bureau de Véronique : les graphistes et designers Vincent Dietsch et Steven Vitale, passionnés très investis dans l’organisation des expositions à la Cité et dans son rayonnement, et toujours prêts à vous recevoir avec un café, une bière ou une mirabelle.
Et grâce aux bons soins de Yasmine Kabli qui s’occupe de l’entretien des espaces de La Première Rue, c’est dans un logement impeccable que j’ai pu recevoir la visite amicale de Véronique Cola, organisatrice du Salon du Livre de Mancieulles. L’édition 2020 ayant dû être annulée, l’espoir demeure quant à celle de novembre 2021 : ce serait l’occasion de fêter, deux ans après, le point de départ de toute cette aventure…
Mise à jour du 1er février 2021 : Annick Englebert ayant créé un nouveau site pour mettre en ligne son travail, l’ancien site diachronie.be a été supprimé. Les liens y renvoyant dans cet article ont donc été mis à jour vers leur version archivée par archive.org sur sa « wayback machine ».
Depuis quelques années, la société française est agitée d’un débat virulent sur l’écriture inclusive. D’un côté, on l’accuse de casser une langue dont la beauté se serait peaufinée naturellement au fil des siècles, de l’autre on se révolte face à la difficile adoption d’une mesure qui ne ferait que rétablir dans la langue l’égalité reconnue entre êtres humains. Les positions semblent irréconciliables. L’histoire du français, et plus particulièrement de son écriture, peut-elle apporter un éclairage utile ?
La matière du débat étant celle-là même – la langue – qui permet de le tenir, je suis obligé avant de poursuivre de préciser la position qui aiguille mes choix dans l’écriture de ce texte. J’ai choisi d’opter ici pour une graphie traditionnelle (pas de point médian1 ni de genre neutre2), en utilisant des outils inclusifs qui me paraissent relativement consensuels : la double flexion3, ainsi que l’accord à la majorité4 et celui de proximité5.
Le 20 octobre 2020, la Tribune de Genève publie un article sur le travail de fin de cursus d’un étudiant à la Haute École d’Art et de Design (HEAD) : il aurait créé la première typographie contenant des caractères inclusifs. L’article est repris dans beaucoup de médias grand public, relançant le débat entre partisans et opposants qui s’écharpent déjà depuis longtemps à coup de tribunes et de procès en légitimité. Mais le texte suscite aussi la colère de ceux et celles qui travaillent depuis des années à la création de glyphes inclusives, et qui s’insurgent de voir leurs créations oubliées – invisibilisées6, plus précisément.
Cet article de Friction Magazine relate bien l’étendue des recherches menées par les personnes concernées, qui tentent de trouver des réponses graphiques aux questions que leur existence pose à la langue. Je soulignerais ici mon intérêt particulier pour le travail de linguiste mené par Alpheratz. Mais c’est un extrait du compte Instagram de la collective Bye Bye Binary qui m’a donné l’envie d’écrire ce billet.
On voit ici l’usage du tilde (~) sur les voyelles de base afin de les transformer en voyelles nasales (ã pour le son « an », õ pour le son « on »), mais aussi sur la consonne q, comme abréviation de que. Plus mystérieux encore à mon regard, cet étrange uo9, à la troisième ligne ! Il ne s’agit pourtant que du mot vous, le caractère u servant aussi à rendre le son « v », et le petit 9 inscrit en exposant étant une abréviation du suffixe us d’origine latine. Ces abréviations prisées des copistes, loin de n’avoir été que des raccourcis d’écriture, ont parfois joué un rôle important dans l’orthographe actuelle, en témoigne l’histoire du pluriel en aux d’un mot comme cheval.
On peut remarquer également l’usage inhabituel pour nous des f, u, mais aussi z, et l’absence de régularité de certaines orthographes, comme celle de la préposition à, écrite avec ou sans accent. Quelles étaient donc les règles en vigueur à cette époque, et comment ont-elles évoluées jusqu’à nos jours ?
Le site créé par la chercheuse et enseignante Annick Englebert, agrégée de linguistique et docteur en lettres et philosophie, permet de découvrir la langue française selon une perspective historique, et se révèle une véritable mine d’or. C’est de là que je tire l’essentiel des informations qui alimentent la suite de cet article. J’éviterai ici d’entrer dans les détails techniques, mais pour ceux et celles que l’histoire graphique de la langue française intéresse, je recommande de commencer par cette page de son site, qui offre un bon aperçu.
Pour décoder les sons représentés par les signes phonétiques présents sur son site, on peut les apprendre sur la page dédiée de ce site de promotion de l’alphabet phonétique international. On trouve sur la page Wikipedia concernée la grille plus complète et lisible de l’ensemble de l’alphabet. Pour ce texte, je n’en ferai pas usage et utiliserai l’alphabet français.
Voici donc un aperçu rapide, simplifié et sélectif de l’histoire de notre langue écrite :
Le français est au départ un dérivé du latin, une langue dans laquelle une lettre correspond à un son, et réciproquement (avec quelques exceptions).
Au XIIe siècle, le français, qui n’existait jusque-là quasiment que sous forme parlée, commence à prendre une place de plus en plus importante dans les écrits. Se pose alors un problème : au fil des siècles, les sonorités de la langue se sont bien éloignées de celle du latin d’origine, et de nombreuses se sont créées. Il y a donc des sons nouveaux – des phonèmes –, mais il manque de signes graphiques – de graphèmes – pour les représenter !
Voici les options théoriques listées par Annick Englebert pour répondre au problème :
créer des graphèmes spécifiques ;
recourir à des graphèmes appartenant à un autre système graphique ;
réemployer des graphèmes devenus disponibles ;
recourir à des signes diacritiques ;
constituer des digrammes, voire des trigrammes ou des quadrigrammes à partir des graphèmes de l’alphabet latin ;
admettre qu’un même graphème puisse rendre plusieurs phonèmes.
Dans la voie du recours à d’autres systèmes graphiques, Annick Englebert note que le français actuel garde la trace de l’emprunt de trois graphèmes étrangers : le k et le w anglo-saxons, et le y… grec, comme son nom l’indique. Mais ces trois graphèmes n’apportaient le support d’aucun phonème nouveau !
L’exemple le plus extrême de tentative d’emprunt étranger est sans doute celui d’Honorat Rambaud, maître d’école qui préconise dans sa Déclaration des abus que l’on commet en écrivant et le moyen de les éviter, et de représenter naïvement les paroles : ce que jamais homme n’a fait. d’ajouter 24 lettres issues d’autre systèmes graphiques à l’alphabet latin afin que chaque sonorité trouve un signe lui correspondant. L’aperçu ci-dessous7 témoigne de la grande différence qui en résulte, mais nous permet par la même occasion de nous rendre compte de la prononciation de l’époque (vers 1550) : le t final des mots comme alphabet et nouvellement s’entend, le n de nouvellement ou augmenté se prononce, le u de augmenté s’entend (et se prononce « ou »), etc.
RambaudRambaud 2 : la mission
D’un abord incompréhensible, ce nouvel alphabet permet ainsi bien de déchiffrer immédiatement tout texte inconnu, dès lors qu’on connait la correspondance sonore de chaque signe : un ancêtre à l’alphabet phonétique ? Rambaud fut moqué par les grammairiens et experts de l’époque, qui préféraient batailler entre eux — il faut croire que ce n’était pas sa guerre.
À la même date 1550, et avec la même volonté de créer un système d’équivalence entre signe et son, Louis Meigret propose un Trętté de la grammęre françoęze qui fait surtout usage de diacritiques8.
Il nous permet au passage de découvrir la prononciation d’époque du terme français : « françoés ». Français s’écrivait en réalité François (comme le prénom) et c’est donc l’ensemble oi qui se prononçait « oé ». Le traducteur et ami Francis Guévremont, d’origine québécoise, à l’occasion d’un repas avec notre éditeur David Meulemans, m’avait déjà raconté l’origine de la drôle de prononciation de nos cousins d’outre-Atlantique, que l’on retrouve aussi dans la bouche de certains habitants de nos campagnes françaises : ils ont gardé le parler de nos ancêtres communs – qui roulaient aussi les r. Et de mimer un Roi Soleil déclamant avec prestance sous nos sourires : « Le Rrrroé, c’est moé ! »
Hormis les graphèmes exogènes et les ajouts de diacritiques, les grammairiens et imprimeurs vont chercher à réutiliser des graphèmes abandonnés pour désigner les phonèmes nouveaux. L’exemple du signe u est amusant : servant à l’origine à désigner la prononciation « ou » en latin, le graphème u est un temps abandonné lorsque le français parlé ne fait plus usage du son « ou ». Il peut alors tranquillement être récupéré pour désigner le son « u » qui a émergé entre temps. Mais lorsque la langue parlé fait à nouveau usage du son « ou », il est alors impossible de lui attribuer à nouveau son signe d’origine u, ce qui oblige à inventer une forme composée, en lui adjoignant le signe o.
D’autres formes composées de deux ou plusieurs signes vont voir le jour, à l’exemple de ch. On ajoute ou modifie parfois des caractères pour clarifier la lecture : le y est plus lisible que le i parmi les jambages, et rajouter un h devant les mots qui commencent en i ou ui permet de mieux les identifier (hier, huit, etc.)
Dans la forêt de jambages (source gallica.bnf.fr – BnF)
À partir du XIVe siècle, la langue écrite n’est plus le monopole des copistes. Elle devient l’usage des gens de justice, moins instruits mais fiers d’être les tenants d’un savoir réservé à une élite, et qui veulent pouvoir affirmer leur privilège. Ces juristes9 ajoutent des lettres « parasites » aux mots pour leurs étymologies latines réelles ou supposées (le d de poids, par exemple), ou bien conservent des lettres qui ne se prononcent plus, par exemple à la fin des mots. C’est le début du divorce entre l’oral et l’écrit, lequel s’établit de façon artificielle, contre l’usage.
Dès le XVe siècle, ce sont les imprimeurs qui obtiennent le pouvoir d’établir la forme des mots. Dans leur grande majorité, ils poursuivent la démarche étymologisante, ajoutent des lettres d’origine grecque en plus des latines, et rétablissent le doublement des consonnes. Les ouvriers des imprimeries, payés à la ligne, sont trop heureux d’utiliser ces signes supplémentaires…
Au XVIe, l’imprimeur royal de François Ier, Geoffroy Tory, définit les règles de l’accent aigu, de la cédille et de l’apostrophe. Le système se fixe : c’est le début du concept d’orthographe.
Un siècle plus tard (avec la timide réforme de 1990) et jusqu’à aujourd’hui, les personnes favorables ou opposées à une évolution de la langue mènent toujours combat dans l’arène médiatique, avec une virulence redoublée.
Nous venons de voir rapidement comment la forme du français écrit a évolué durant les siècles, avec de nombreuses variations parfois concomitantes, des expérimentations, des allers-retours, des hésitations… La langue évolue sans cesse, avec des mots nouveaux, d’autres qui tombent dans l’oubli, des emprunts exogènes, etc. Chaque année, les dictionnaires ajoutent des définitions, pour entériner les réalités nouvelles qu’elles désignent.
Car la fonction principale du langage, c’est bien de « parler le monde » tel qu’il existe, et par ce moyen, de le penser. Pour cela, la langue doit répondre à de multiples contraintes et servir de multiples usages : rapidité de compréhension, précision d’expression, facilité d’apprentissage, universalisme, capacité à tout exprimer du plus abstrait au plus concret, etc. Il s’agit toujours d’un compromis entre soi et l’autre, pour trouver le terrain de compréhension le plus adapté.
C’est toujours un équilibre fragile : il faut suffisamment de stabilité pour l’usage et la transmission entre humains, mais une certaine capacité d’évolution pour que cette langue accompagne le mouvement incontrôlable du monde. On a vu plus haut que des changements trop radicaux peinent à convaincre, mais aussi que certains changements sont le fruit d’enjeux de pouvoir plus que de civilisation.
En regardant aujourd’hui les propositions de l’écriture inclusive, il faut se rappeler que la cédille, l’apostrophe ou les accents n’ont pas toujours existé. Ils sont le fruit d’un compromis entre le statu quo latin et les expérimentations créatives de quelques personnes audacieuses qui cherchaient des solutions aux manques de leur époque.
Car, hier comme aujourd’hui, c’est pour décrire des réalités qui manquent de représentations – qu’elles soient sonores ou sociétales – que des innovations graphiques ont vu le jour. On peut décider de nier la réalité du monde, comme l’ont fait les tenants de l’écrit du XIVe siècle en le déconnectant de son usage oral. Mais ne sont-ce pas ceux-là même qui, croyant magnifier l’écrit alors qu’ils ne contribuaient qu’à son isolement, sont à l’origine de sa désaffection grandissante aujourd’hui ?
Aimer la langue – et la littérature, son expression la plus fabuleuse –, c’est la vouloir vivante, audacieuse, aventureuse, et au contact des réalités complexes qu’elle entend décrire. Parmi toutes les options théoriques listées par Annick Englebert, la création de graphèmes est la seule qui n’ait pas été tentée par le passé : qu’on s’y essaie aujourd’hui me semble une rafraichissante nouvelle. Laissons les expérimentations se faire, les échos se trouver et le temps décider des nouveaux usages, sans a priori ni élitisme.
L’anatomie nous le rappelle : sans mouvement de langue, pas de parole possible. Et pas de french kiss non plus – pour la langue de l’amour, un comble !
Le français a été une langue orale jusqu’au XIIIe siècle, puis une langue de l’écrit avec le travail des copistes, des imprimeurs, de la presse, jusqu’au XXe siècle où la radio et la télévision rétablissent la balance de l’oralité. Vers la fin du XXe, l’expansion de l’informatique et la création d’internet donne une nouvelle impulsion à l’écrit. Mais en ce premier tiers de XXIe siècle, la vidéo, l’Intelligence Artificielle et la reconnaissance vocale rebattent les cartes. En plus d’un retour à l’oral, c’est carrément un retour à l’image que l’on observe : le smiley en vient à supplanter le langage SMS, au point qu’un auteur décide d’en choisir un pour titre de son ouvrage. Au Xe siècle, vitraux et mystères11 servaient pour l’Eglise à transmettre au peuple son message. Stories12 et smileys sont-ils les mystères et vitraux du XXIe siècle ?
2020 est terminée, 2021 démarre. Après plusieurs mois éprouvant pour une large part de l’humanité, cette nouvelle année charrie l’espoir de temps meilleurs. Durant l’épreuve de la pandémie de coronavirus, chacun a vu son existence bousculée, remise en question, et la marche des sociétés ébranlée plus encore qu’elle ne l’avait été ces dernières années. On cherche avec une certaine urgence les contours du monde d’après, qu’il nous reste à construire.
« Le monde d’après », c’est le thème de la résidence d’auteur associé que j’entame cette semaine à la Cité Radieuse Le Corbusier de Val de Briey, en Meurthe-et-Moselle.
Je suis venu pour la première fois sur le territoire briotin en novembre 2019 lors du Salon du Livre local avec mon confrère Gilles Marchand des Éditions Aux Forges de Vulcain, à l’invitation de Romain Zattarin, chargé à la mairie du développement de la commune. La générosité et la gentillesse de toute l’équipe, ainsi que l’enthousiasme de notre hôte m’ont immédiatement séduit. Romain est aussi ancien président de l’association La Première Rue, qui s’attèle à entretenir, valoriser et faire connaître le patrimoine si caractéristique de l’Unité d’Habitation corbuséenne, achevée en 1961. Il me fait part à cette époque de son désir d’y inviter un auteur ou une autrice en résidence, ce qui suscite mon vif intérêt.
Deux mois plus tard, c’est-à-dire il y a environ un an, il me rappelle pour me proposer de tenter l’aventure en répondant à l’appel à projet commun de la Drac et de la Région. Nous discutons afin d’élaborer un projet ensemble, nous articulons les pistes d’un futur roman avec les possibilités d’intervention culturelle dans les institutions du coin, nous trouvons des solutions pour établir l’agenda commun et après un long été d’attente… le projet est accepté ! Ô joie !
Mais la rentrée est bien sombre : l’épidémie reprend de plus belle. Tous les projets culturels sont annulés les uns après les autres, y compris le Salon du Livre de fin novembre qui devait être l’occasion de lancer la résidence. Un second confinement est instauré. D’un commun accord avec Romain, nous décalons d’un mois la résidence, dans l’espoir que la situation s’améliore et que nous puissions organiser les événements prévus. Le confinement est levé, pour laisser place à un couvre-feu, bientôt renforcé dans certains départements… dont la Meurthe-et-Moselle. Les activités culturelles pourront se maintenir en journée, mais plus de sortie après 18h… Est-ce si grave, vraiment ? Ne suis-je pas là pour écrire ? Et la nuit, qui tombe justement vers 18h en hiver, n’est-elle pas ce temps si merveilleusement approprié, que j’ai largement mis à profit lors de l’écriture de mes précédents romans ?
J’ai une chance immense. En cette période où tant de personnes se retrouvent en grande difficulté personnelle et professionnelle, j’ai la possibilité de travailler et de vivre de mon travail, dans des conditions extraordinairement confortables. Ce roman comptait déjà beaucoup à mes yeux n’en acquiert que plus d’importance.
J’ai quitté la Lorraine à l’âge de 3 ans après y être né, et n’en garde aucun souvenir. Trente-cinq ans plus tard, au moment où le monde se retrouve contraint d’opérer une mue radicale, j’y retourne pour y entamer un roman dont l’enjeu est tel que je ne peux dire si je saurai en venir à bout, un roman si différent des précédents qu’il m’oblige, moi aussi, à une mue radicale, à une nouvelle naissance.
Et pour garder la trace de cette tentative de nouvelle approche dans cette tentative de nouveau monde, il fallait bien une tentative de nouveau site internet…
Franck Thomas est le plus grand écrivain vivant… sauf que personne ne s’en rend compte ! À commencer par son éditeur, qui refuse son nouveau manuscrit, celui qui devait lui apporter (enfin !) le succès tant mérité. Débute alors pour le romancier une quête à travers la jungle éditoriale, où la rencontre forcée avec une illustratrice jeunesse va réveiller les fantômes du passé, mettre son égo à l’épreuve et le pousser à découvrir le véritable sens de l’écriture…
Un épisode de 26′ de la collection Les petits secrets des grands tableaux diffusée sur Arte
Réalisé par Jivko Darakchiev, produit par Sophie Goupil
Pratiqué depuis l’Antiquité, l’esclavage connaît un essor sans précédent à partir du 16e siècle avec la traite des Africains par les Européens vers les immenses plantations américaines. Le Royaume-Uni est la première nation à abolir la traite négrière au début du 19e siècle. Dès lors, elle n’hésite pas à pourchasser de sa puissante flotte les navires négriers étrangers tout autour du globe.
Le britannique J.M.W. Turner, fasciné par la mer et la magie de ses éléments, s’applique à peindre depuis sa jeunesse la fougue des tempêtes et les relations maritimes tumultueuses des hommes à travers les âges. Sa touche vivante réinvente la peinture de paysage : débarrassée de ses codes surannés, elle se charge d’une profondeur inédite par les sentiments qu’elle exprime.
En 1840, il présente à l’Académie une toile qui semble représenter un épisode passé de l’horreur négrière du pays, lorsqu’un capitaine fit jeter par-dessus bord des esclaves malades encore vivants. À moins que… ce ne soit un épisode au présent, un navire négrier étranger se débarrassant de ses esclaves pour échapper à un poursuivant britannique. Et si c’était les deux à la fois ?
Mutique et dissimulateur lui-même, le peintre plonge dans les eaux troubles d’une société britannique bercée par les innovations économiques et technologiques de son époque, renvoyant à l’Homme libre sa responsabilité persistante dans l’exploitation de ses semblables, hier esclavagiste, désormais industrielle, et bientôt mondialisée…
Un épisode de 26′ de la collection Les petits secrets des grands tableaux diffusée sur Arte
Réalisé par Carlos Franklin, produit par Sophie Goupil
Depuis la Révolution Française, monarchies, empires et républiques se succèdent en France. En 1870, le peuple parisien est assiégé par l’armée prussienne, puis à nouveau en 1871 par l’armée française lorsqu’il se soulève contre le pouvoir capitulard en instaurant la Commune Insurrectionnelle. À la misère des restrictions fait suite la violence de la répression.
Au sortir des conflits, quelques artistes s’emparent des nouveaux outils qui permettent de peindre en plein air pour manifester d’une touche personnelle la prééminence de la couleur et l’importance des motifs du quotidien. Mais les Impressionnistes ont du mal à convaincre le public et la critique, et doivent surtout compter sur eux-mêmes…
À 35 ans, Pierre-Auguste Renoir partage avec ses amis à Montmartre la misère des ouvriers exploités, artistes désargentés, prostituées dénigrées qui se retrouvent le dimanche au Bal du Moulin de la Galette pour oublier leur condition le temps d’une danse joyeuse. Sur la grande toile où il les représente, le peintre met la modernité au service d’une convivialité rayonnante et immortelle.
Sur les hauteurs d’une ville-lumière bientôt capitale du monde, Renoir affirme dans les reflets des étoffes, la douceur des sourires et l’éclat d’un après-midi coloré la force vivante du peuple des invisibles, célébrant par la joie des oubliés l’expression de leur liberté éternelle.