On me demande souvent si j’ai un prochain roman en projet — et en effet, c’est bien le cas. Mais les personnes qui ont lu Le Point aveugle me demandent parfois en plus si le prochain roman sera écrit avec la même grammaire originale.
C’est une bonne question. Chaque roman a sa forme propre. La grammaire inventée pour Le Point aveugle a un sens dans l’univers du livre, en lien avec son propos.
Mais cette grammaire ne sort pas de nulle part. Elle s’inscrit d’abord dans la longue histoire des multiples variations de la langue française. Elle s’inspire surtout des créations variées de personnes qui ne s’estiment pas correctement représentées par la grammaire actuelle. Elle propose notamment, à l’instar d’Alpheratz dans sa Grammaire du français inclusif, un genre neutre.
Ce genre neutre imaginé pour Le Point aveugle répond à des exigences d’unité (formes récurrentes), de simplicité (pas trop de variations), de lisibilité (écart limité par rapport à la grammaire actuelle) et de cohérence (une logique sous-tend l’ensemble). Si ce genre neutre spécifique a un sens dans le roman, je dois reconnaître qu’il n’est pas pleinement fonctionnel. Il garde notamment la rigidité d’une forme créée, et non façonnée par l’usage. Ainsi qu’une esthétique plus visuelle qu’orale.
L’usage semble installer dans notre langue les formes concaténées, telles que « iel » ou « auteurices ». Elles ont l’avantage de réutiliser les terminaisons identifiables du féminin et du masculin. Mais je trouve, comme d’autres, qu’elles échouent à représenter avec justesse le spectre de la non-binarité. Je préfère ainsi les formes plus originales comme « al » ou « ol », qui ont l’avantage de la concision et, à mon sens, la puissante de l’altérité (tout en pouvant embrasser tous les genres).
Dans mon quotidien, j’ai souvent besoin de pouvoir exprimer cette « altérité qui embrasse ». J’ai donc décidé d’utiliser les éléments de base de la grammaire imaginée pour Le Point aveugle dans les textes publiés sur mon site internet. Les motifs ne nous paraissent exotiques que parce qu’ils ne nous sont pas familiers. Dès lors qu’on les rencontre régulièrement, ils deviennent usuels.
« Ça n’a pas forcément été très simple au départ mais on s’y fait assez rapidement. » C’est l’avis de la plupart des lectrevs à la fin du roman. J’espère que ce sera le vôtre après quelques lectures par ici.
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